Dormir en Egypte
Solange Bonnier

Fragments ou nouvelles, récits ou poèmes, issus de multiples propositions, ces textes ont été écrits par les participants de mes ateliers d'écriture. Joyeuse lecture !

 

Dormir en Egypte


« Oui, j'ai dormi en Égypte...au musée archéologique du Caire »
Ce voyage en Égypte, nous l'avions rêvé depuis toujours et préparé depuis longtemps. Cependant, tout concourrait, dès le départ, à le rendre agaçant.
Notre première journée du séjour s'était déroulée dans les salles d'attente et d'embarquement de l'aéroport Saint-Exupéry, nos yeux rivés sur le panneau d'affichage des horaires de départs, à guetter l'apparition de notre vol LYON – le CAIRE.
Nous n'avions finalement pu embarquer qu'à 0 h 30. Déjà fatigués par l'attente et énervés par les multiples formalités auxquelles tout voyageur « aérien » ne peut désormais se soustraire, nous étions arrivés au Caire au petit matin, vannés et fourbus.
Le survol du Caire nous avait fait découvrir une ville dense, grise et poussiéreuse.
Après avoir retrouvé nos bagages, notre guide nous fit comprendre que nous n'aurions pas le temps de passer à l'hôtel pour dormir quelques heures. Nous irions, dès son ouverture, au musée archéologique du Caire dont la visite était prévue à notre programme.
J'attendais beaucoup de cette visite. Les ouvrages lus avant le départ m'avaient mis l'eau à la bouche.
Nous cheminions, tel un troupeau de moutons, derrière notre guide sur un sol de marbre.
A chaque étape devant un trésor particulièrement intéressant du musée, elle nous gratifiait d'un commentaire savant, de sa voix monocorde et légèrement nasillarde.
Je repérais les piliers du musée pour m'y adosser. Bercée par le discours de notre guide que je percevais vaguement, je sombrais doucement dans le sommeil. De pilier en pilier, je tentais désespérément de percevoir quelques bribes d'explication sur telle ou telle dynastie. En vain.
Ne me questionnez jamais sur ce que j'ai vu au musée du Caire car, hormis peut-être le masque funéraire en or de Toutankamon, qui brillait de tout son éclat derrière une paroi de verre, je n'ai rien vu, rien entendu, rien retenu.
En y réfléchissant, je me souviens pourtant d'une odeur de friture, persistante et tenace qui taquinait désagréablement mes narines. Je me suis interrogée sur sa provenance. Étaient-ce les vêtements de notre guide qui aurait préparé un repas de poisson pour sa famille avant d'entamer sa journée ? Provenaient-elles d'un restaurant situé à proximité du musée ? Je ne l'ai pas su.
Je somnolais paisiblement contre la fraicheur bienveillante de ces piliers de marbre et je sentais mes pieds, déjà malmenés par les heures de vol, gonfler inexorablement dans mes sandales. Je rêvais d'un bon lit dans une chambre climatisée.
L'archéologie égyptienne, pourtant fameuse, passait largement au dessus de ma pauvre tête fatiguée. Les jours suivants, au cours de notre périple, notre guide fit souvent référence à tel objet ou statue, vus lors de notre visite au musée du Caire.
Avoir dormi dans ce prestigieux endroit, temple du savoir et de la connaissance, reste l'un des grands regrets de ma vie. Mais ce fut l'occasion pour moi de comprendre tout le sens de l'expression « dormir debout ».

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Isabelle Sarcey
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Crédit photos : Koryn Boisselier ©