SOS Ecureuils
Françoise de Burine

Fragments ou nouvelles, récits ou poèmes, issus de multiples propositions, ces textes ont été écrits par les participants de mes ateliers d'écriture. Joyeuse lecture !

 

SOS Ecureuils


Il y avait eu cette urgence à vider la maison. Elle n’avait pas vraiment compris pourquoi et d’ailleurs elle n’avait pas eu à l’esprit de poser la question. Quand son oncle lui téléphona, l’informant que ses cousins seraient eux aussi présents, elle obtempéra sans réfléchir : « oui, … dimanche prochain, … vider la maison de Mamie, … venir avec une camionnette si possible pour récupérer des meubles, … se retrouver tous à partir de 7 heures… »

En raccrochant, elle était un peu décontenancée. Bien sûr, Norbert était à présent le pilier de la famille. Tout le monde était mort. Enfin, toute la génération de sa mère à elle, la sœur de Norbert et aussi le frère, l’autre tonton bien aimé. Et depuis la disparition de Mamie, Norbert était devenu le représentant de l’autorité parentale. Alors on obéissait !

C’est ainsi qu’elle se retrouva le dimanche suivant, aux aurores, à vider la maison de sa grand-mère. C’était un mélange de plaisir à se retrouver et de chagrin à partager cette tâche empreinte d’une culpabilité perceptible. Mamie avait bien vécu, plus de 100 ans, et sa mort n’était ni une surprise, ni un drame. Mais vider cette maison …. En plus de l’éparpillement d’une vie et l’évidence de cette légèreté de l’être, c’était fermer définitivement l’accès aux multiples souvenirs et accepter la fin  de l’état enfantin ! Sale journée !

Elle se retrouva dans le grenier, pièce qu’elle avait toujours aimée. Sous les toits, l’été, la chaleur y était étouffante et elle avait apprécié s’y réfugier à l’heure de la sieste. Elle aperçut la vieille cage à oiseaux, toute ronde et blanche et bleue. « Elle vient de Tunisie » lui avait confié Grand-Mère.

C’était la cage de secours pour tous les petits animaux qu’on trouvait, blessés et qu’on rapportait à pas menus, au creux des mains, en criant : 

- « Mamie, j’ai trouvé un écureuil, une grenouille, un oisillon…

- Cours au grenier chercher la cage ! Va prendre des cotons-tiges, et rapporte de l’eau ! »

On faisait des mixtures de sucre et de semoule, ou d’un bout de Kiri, et d’un morceau de pain… Grand-Mère n’était pas experte en soins vétérinaires et le dispensaire improvisé  modestement adapté au pensionnaire ! Il n’était pas rare que Mamie libère le blessé dans la nuit, le rendant à son triste sort de faible animal en proie aux cruautés de la nature ! Elle soutenait le lendemain matin qu’il avait pu s’envoler, ou qu’il s’était sauvé, qu’il allait mieux, c’est sûr ! Et après un bon coup de jet d’eau, la cage remontait de deux étages en attendant d’autres sauvetages héroïques !

Pensive, elle attrapa la cage et avec un sourire rêveur elle décida que cette cage là passerait du  grenier de sa grand-mère à son propre grenier…. en attendant qu’elle devienne elle-même grand-mère à son tour !

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Isabelle Sarcey
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Crédit photos : Koryn Boisselier ©