Temps de repos
Emmanuelle Faure

Fragments ou nouvelles, récits ou poèmes, issus de multiples propositions, ces textes ont été écrits par les participants de mes ateliers d'écriture. Joyeuse lecture !

 

Temps de repos


Temps de repos. Sieste imprévue et familiale. Mère et fille nous flottons entre veille et sommeil : douceur de cet espace transitoire. Se laisser aller, donner libre court aux pensées, aux rêveries, aux images spontanées. Le corps repose, lourd, dans les coussins et se détend. Peu à peu nos tensions sont relâchées, les bruits de la vie s’éloignent ; bien-être partagé. Je te sens là, près de moi, toute calme, ton odeur d’enfant, ton innocence. Tu remues parfois, j’écoute vaguement le bruit de la succion de ton pouce, ta respiration, tes soupirs.
Dans ce temps flou à part, je te rejoins. Je laisse mon enfance revenir à moi.
Nous sommes toutes deux lasses de cette belle journée de vacances particulière. Nous avons tous ensemble entre amis partagé une rencontre par le chant improvisé. Chacun de nous a su laisser la place aux sons, libérés de nos profondeurs, du chant personnel de chacun nous avons créé de belles polyphonies, de belles cathédrales et aussi de sacrées cacophonies. Relâchement et don de soi. Quel bonheur immense et unique de vivre cela ensemble, avec vous les enfants et votre liberté.
Forts et remplis, chacun s’est maintenant assoupi. Au loin le clocher sonne.
Plus tard nous nous retrouverons pour marcher un peu puis partager une douce soirée amicale. Dans la douceur des coussins résonnent encore en moi nos chants spontanés ; j’imagine que toi mon enfant tu ressens aussi à ta manière cette force, cette énergie. Cette parenthèse nous ressource.
Je suis bien.
Je revisite mes émotions, je les intègre, je les stocke, mes réserves pour nos lendemains incertains. Ainsi au fil du temps écrire les pages de notre vie. Dans ce livre bien personnel et parfois si intime, se retrouvent des pages prévisibles et d’autres inattendues. Certaines pages sont des souvenirs déjà figés comme des statues dans un musée, d’autres me sont encore si vibrantes et chaudes, encore vivants.
Ma fille … quelle femme se construit en toi ? Je m’amuse à jeter mon regard au loin dans le futur mais tout y est si flou. J’imagine toutes ces vies passées, celles de nos aïeux, celles des inconnues, comme autant de livres reposants dans une immense bibliothèque où nous viendrions nous reposer. Je sens vibrer les vies de toutes ces femmes qui nous ont précédées, leurs espoirs, leurs luttes, leurs tragédies, leurs histoires d’amour. Je regarde au loin l’avenir que nous sommes en train de construire ensemble. Les chemins qui s’offrent à nous sont variés. Ne nous laissons pas enfermer dans des barrières par simple esprit de sécurité et de laisser faire. Parvenir à ouvrir des fenêtres, vers des espaces et des sentiers inattendus et nouveaux, parfois escarpés mais si prometteurs. Oser jeter un œil dans le judas et si cela nous tente oser déverrouiller les portes. Dans le chant improvisé, nos voies nous offrent, venues du fond de nous-même probablement, des mélodies surprenantes, comme venues d’une autre vie intérieure, inconnues, comme venues parfois d’une autre culture. Les sons de l'Orient, les sons de l’Est viennent spontanément me visiter et m’habitent.
J’aime laisser venir cela, écouter mes propres chants.
Tant de mystère.
La douce odeur du café m’enveloppe et réveille mon odorat. Je sors peu à peu de ma torpeur, je reviens dans le réel. Ma fille est là, contre moi, assoupie maintenant, elle semble en paix.
Promesses.
 

Isabelle Sarcey
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Crédit photos : Koryn Boisselier ©