Krystine Franchino
Il était une fois, un vieux bonhomme tout gris.
Tout était gris dans sa vie
Il ne s’habillait que de gris, ses cheveux grisonnaient
Même le chat, son seul compagnon était gris
Il habitait une grande maison aux murs gris et aux volets sans couleur
Quelques promenades rythmaient sa vie morne et vide .Il allait ainsi retrouver un arbre, toujours le même, au même endroit.
Son existence s’écoulait ainsi, fade et terne
Un jour, sa fille partie depuis longtemps l’appela
Aussitôt, au son de la voix reconnue, le soleil entra dans la maison. La blondeur de sa fille chérie éclaira subitement le salon pourtant sombre
« Viens ! » disait-elle avec détresse.
Sans réfléchir, le vieil homme claqua la porte grise de la maison vide : sa fille aux cheveux d’or avait besoin de son aide à l’autre bout du monde !
Elle l’attendait sagement assise les mains jointes sur ses genoux, ses cheveux blonds en bataille. La veille elle avait renversé et cassé sa théière préférée, dans la précipitation, elle était tombée et s’était labouré les genoux. Désespérée, elle avait pensé à son père, Elle s’était rappelé la chaleur de ses bras et la douceur de sa voix. Elle avait eu grand besoin de lui. Et, il était là, maintenant devant elle ;
Ce fut le bonheur retrouvé pour quelques jours. La fille du vieil homme en fut très heureuse. Ne sachant comment le remercier. Elle repensa à une vieille boussole, cadeau de sa mère et d’un geste brusque, elle lui tendit l’objet, petit et usé. « Pour que tu retrouves ton chemin » lui lança t elle d’un air énigmatique.
Sur le chemin du retour, le père, sa boussole en poche, rencontra une famille de forain. Ils vivotaient en vendant tout un tas d’attirail, et au milieu de cette multitude de bric-à brac, il y avait une paire de lunette toute bête.
La paire de lunette lui fit un clin d’œil ! Aussitôt conquis, le vieil homme décida de l’acheter. Mystérieusement attiré et comme fasciné.
Il repartit donc, avec dans ses poches la boussole de sa fille chérie d’une part et de l’autre, la paire de lunette au clin d’œil magique. Qu’Il se sentait léger avec au creux de ses mains ses deux trésors !
Le vieux bonhomme était tellement content, qu’il eu envie de partager sa joie avec son ami l’arbre du bout du chemin. C’était son confident et il lui avait déjà tant raconté !
Tout à coup, une rafale de vent le fit ralentir. Une bise glaciale s’engouffra sous son manteau gris et le fit frissonner de froid. Le ciel bleu du début de sa promenade s’était soudainement chargé, les nuages s’étaient regroupés, de cotonneux, ils étaient passés à la noirceur annonciatrice d’un orage violent. La pluie ne tarda pas à tomber et elle tomba : froide et blessante. Chaque goutte d’eau s’écrasait sur son visage martyrisé. Son souffle était coupé. Le vent terrible le plaqua et l’immobilisa. Le vieil homme n’avait plus de repère, il était ballotté par des éléments bien trop puissants, comme le serait une vulgaire bouteille en mer malmenée par des vagues gigantesques.
Le chemin s’était transformé en une boue visqueuse. Elle retenait ses pas de plus en plus lourds. Le vent malfaisant et hurleur l’entourait près à le soulever. Le vieil homme finit par trébucher, la boue s’agrippait à lui, le happait et le terrassa. La pluie s’abattit sur l’homme démuni
Pourtant dans un sursaut de survie, il plongea la main dans sa poche, il caressa furtivement un vieil objet et il en ressorti une boussole complètement affolée. La boussole déboussolée était désorientée, elle n’indiquait plus le nord, elle l’avait perdu ! Elle tournait en rond, affolée, affolant du même coup le vieux bonhomme devenu vert de peur.
Soudainement, le tournoiement de la petite boussole s’immobilisa. Elle était devenue brulante dans le creux de sa main. Le vieil homme sentit une force inconnue et levant les yeux, il assista, médusé au recul des nuages, la pluie se faisant plus douce, une lumière irréelle le baignant insensiblement. La tempête avait fléchie et reculée. Elle avait renoncé à l’écraser par le seul pouvoir magique de la petite boussole qui indiquait sagement le nord, maintenant.
Alors, l’’homme put repartir, il se releva et se remit en marche, exténué. Cependant, il n’avait pas encore remarqué qu’une énorme limace gluante et molle le suivait. C’est un bruit de succion derrière son dos qui le fit se retourner, et, il se retrouva nez à nez avec une bête gigantesque et blanchâtre, sans yeux mais avec une énorme bouche, prête à l’engloutir. Elle bavait et faisait des bruits de chuintement disgracieux qui résonnaient dans ses oreilles.
Elle allait l’avaler, c’était certain !
C’était sans compter sur la paire de lunette enfermée dans la poche du vieux pardessus gris du vieil homme. Elle gigotait et secouait sa prison énergiquement. Gesticulant, elle se trémoussait, ondulait et se soulevait avec force et énergie
Elle finit donc par jaillir de la poche. Elle avait atterri dans la main désemparée du vieux monsieur, qui, sans réfléchir, la posa sur son nez.
Immédiatement le monstre repoussant pris une dimension minuscule et devint une tache jaunâtre et verdâtre, se débattant lamentablement dans la boue du chemin.
L’homme était maintenant plus calme. Sa paire de lunette sur le nez, il releva la tête.
Et, c’est pour apercevoir au loin un incendie qui embrasait le ciel. La campagne environnante était devenue une vaste plaine désertique parsemée d’arbres morts, lançant leurs branches calcinées vers des cieux rougeoyants.
En ouvrant sa main sur la boussole qu’il avait précieusement gardée serrée, il s’aperçut que les aiguilles étaient reparties, elles tournaient à une folle allure. N’hésitant plus, il fonça et traça sa route, il se dirigeait droit sur le lieu du drame.
De hautes flammes rouges orangées dévoraient les pans de murs gris de sa maison, le vent attisait et entretenait le feu dévastateur. Il assista à l’effondrement des murs de la maison dans un bruit de tonnerre.
Pourtant, au milieu de cette tourmente et malgré ce drame, il se sentait étrangement calme et serein, comme rajeuni. Les forces qui lui avaient manquées tout à l’heure sur le chemin boueux, revenaient.
Armé de sa boussole déboussolée et de sa paire de lunette excentrique, il constata, subjugué, que les arbres morts qui l’entouraient se mettaient à refleurir.
Et, que la pluie caressante devenue plus douce, balayait avec légèreté les ruines de sa vielle maison,
Emerveillé, l’homme assista à un magnifique spectacle : un arc en ciel magique éclairait sa maison et lui colorait les murs aux couleurs de la vie.